Une belle personne ne brille pas, elle irradie.
Sociologue de l’éducation populaire et de l’animation, Geneviève Poujol a marqué le mouvement Peuple et Culture. Nous avons demandé à Nikos Prekas, Président de Coodevad et membre de l’Union Peuple et Culture, qui a connu Geneviève Poujol d’écrire quelques mots en sa mémoire.
Une belle personne ne brille pas, elle irradie.
Elle vous enveloppe d’un halo de bienveillance afin que vous puissiez pleinement être.
Une belle personne n’a pas à se montrer, elle pourrait même se tenir en retrait, afin que vous puissiez prendre votre place.
Geneviève Poujol était de ces personnes qui grâce à une manière d’être discrète, jamais effacée, déployait son regard et sa parole, toujours mesurée, presque murmurée, sans jamais recouvrir les autres, au contraire.
Le jeune chercheur de 25 ans que j’étais, avec toute l’impertinence de cet âge, s’est vu accueillir par la dame à la cigarette qui le rendait confiant et meilleur.
Malgré le poids de son itinéraire, de son nom et de sa personnalité, elle me laissait toute la place afin que j’accomplisse les premiers pas.
La noblesse de sa posture mystérieuse, de son attitude taiseuse, ouvrait des voies pour une relation asymétrique entre un jeune étranger qui pensait savoir des choses et une détentrice d’un savoir qui n’avait pas à se montrer, un savoir qui vous prend par la main pour cheminer en direction de vous-mêmes.
Geneviève l’obscure (ainsi appelait-on Héraclite : l’Obscur) relationnait grâce au silence, grâce à une voix hésitante, à des mots rares, à une tendance puisant dans la partie noire des phénomènes pour révéler la lumière permettant de comprendre et d’agir.
Nous étions côte à côte dans son bureau à l’INEP (Institut National d’Éducation Populaire), ou chez elle, ou en déplacement, enveloppés par la fumée de la cigarette.
Nous étions, oui, maintenant je le sais, dans la force de la transmission.
Je lui montrais mes textes, elle me faisait faire des fiches de lecture pour la revue « Les Cahiers de l’Animation ».
Elle me faisait lire ses textes à haute voix. Elle souriait, ce qui était beaucoup.
Je m’apaisais en apprenant.
Je faisais quelques pas dans la modestie, l’humilité et le goût du travail, ce qui était beaucoup.
J’étais tellement jeune, mais, ce que je n’ai pas pu apprendre de toi consciemment, chère Geneviève, je l’ai appris à mon insu.
Je le sais maintenant et je me reconnais dans l’effacement que je cultive face aux autres, face aux jeunes qui pensent déjà savoir, comme ce jeune Grec qui a tant appris en te côtoyant.
Tu m’as donné envie de m’engager dans la posture exigeante de l’écoute, du silence et du questionnement.
Tu m’as montré que révéler les structures profondes d’un phénomène social demande du travail, de l’endurance et une parole toujours dans la mesure.
La fumée de ta cigarette me guidait, elle saura bien me montrer encore le chemin.
L’héritage de la transmission s’accomplit à travers le geste gratuit, grâce au geste qui vient du cœur, il ne nous appartient jamais, c’est pour cela qu’il est à jamais nôtre.
Nikos Precas